ÉDITO -- LE BEAU, CHEMIN VERS Dieu

Créer c'est amener à l'existence ce qui n'existe pas encore. Alors, au commencement, « Dieu créa », est-il écrit dans les premières lignes du livre de la Genèse. Dieu embrassa la matière - car « La terre était informe et vide » (Gn1.2) - pour l’ordonner, l’agencer l’assembler, la modeler, la révéler… L’action créatrice de Dieu avançait au tempo de son regard posé sur sa Création, et l’on se plait à l’imaginer prendre un peu de recul pour considérer son œuvre, et voir « ce que ça donne ! »

La création donne. Dans sa Création, Dieu se donne. Il se donne à voir. On peut dire que la nature et le monde sont d’une certaine façon « transparents » de Dieu. La Parole créatrice de Dieu a pris chair de cette même matière pour entrer dans notre Histoire : le Christ signifie la rupture de l’invisibilité totale de Dieu. La Création signifie que la Parole de Dieu rejoint la parole de l’Homme.

Dans tous les domaines d’expression de l’art, se pose la question du rapport de l’Homme dans sa dimension spirituelle et charnelle, au réel, à la « matière » (matériaux, corps, son, lumière..). Une œuvre d’art ne se limite pas à ce qu’elle montre. Elle oriente, intériorise et donne au cœur une puissance infinie. Une ouverture non seulement des sens, mais aussi de l’intelligence et du cœur, à l’essence secrète du monde.  C’est ici que peut être comprise la dimension esthétique de l’art, ou son rapport à la beauté. Si le premier sens d’esthétique est celui de « science du sensible », le sens courant qui s’est imposé est celui de « science de la beauté » exprimant ce qui suscite l’admiration, ce qui élève l’esprit, ce qui touche au cœur. D'ailleurs les créateurs contemporains n'ont pas pour finalité le « beau » comme « agréable »,  mais le « beau » comme « Vrai », dont ils cherchent à témoigner en vérité.

Parce que Dieu a choisi de se révéler, et par ce que l’art ajoute d’un « ailleurs invisible », au « vu disponible », le chemin de l’art peut rejoindre le chemin de Dieu. Parce que Dieu est à l’écoute du monde, et par ce que l’art exprime du monde, comme croyants, nous pouvons approcher l’expression artistique comme une participation de l’homme à la Parole créatrice de Dieu.

Mais pour agir, la Parole divine doit être reçue, et on peut dire aussi qu’une œuvre d’art n’est rien si elle n’est pas reçue. Alors, dans ce cheminement, acceptons parfois d’être bousculés par l’une et par l’autre, pour s’efforcer d’en interpréter le mystère caché.

Avec l’Art, Dieu semble établir l’homme co-créateur, pour révéler au monde ce qui reste encore caché de son amour pour l’Homme,

« Et Dieu vit que cela était bon ».

Christophe BERTE